UN CONTRAT DE « JOUEUR AMATEUR » PEUT ÊTRE REQUALIFIÉ EN CONTRAT DE TRAVAIL
Il n’est pas rare de voir certains clubs amateurs conclure avec leurs joueurs des « conventions de défraiement », « de fonctionnement » ou « de sportif amateur », alors qu’un contrat de travail aurait dû être conclu.
Il convient de rappeler au préalable que la dénomination de la relation de travail donnée par les parties n’est pas de nature à écarter la qualification de contrat de travail si, dans les faits, ses conditions d’existence sont réunies.
L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Caen (CA Caen, 24 mars 2017, n°16/02793) en est une nouvelle illustration.
En l’espèce, un joueur de football a signé un contrat de « joueur amateur » avec un club de football pour la saison 2011/2012. Ce contrat prévoyait, notamment, qu’il serait versé au joueur une indemnité mensuelle et forfaitaire de 1.100 euros visant à rembourser les frais professionnels engagés par le sportif.
Ce dernier s’étant blessé en cours de saison, le club a arrêté de lui verser cette somme.
Le joueur a sollicité devant les juges la requalification de sa relation avec le club en contrat de travail, des indemnités pour rupture discriminatoire du contrat et des rappels de salaires.
La question qui se posait aux juges était donc de savoir quelle était la nature réelle de la collaboration entre le joueur et le club.
A cet effet, les juges ne prennent en compte « ni la volonté des parties quant à l’existence du contrat de travail, ni la dénomination donnée à la convention les liant » (Cass, soc, 17 avril 1991, n°88-40.121), s’attachant uniquement aux conditions dans lesquelles l’activité est exercée.
Or, lorsque les trois éléments constitutifs du contrat de travail sont réunis (la prestation de travail, la rémunération et l’existence d’un lien de subordination juridique) la requalification en contrat de travail est encourue.
Dans son arrêt du 24 mars 2017, la Cour d’appel de Caen a retenu l’existence d’un contrat de travail sur la base du raisonnement suivant.
D’une part, une prestation de travail était effectuée par le joueur.
D’autre part, l’indemnité mensuelle et forfaitaire que percevait le sportif (qualifiée par le club de « remboursement de frais professionnels ») constituait bien une rémunération dès lors que son montant était déconnecté des frais réellement engagés par le salarié.
Enfin, la Cour d’appel considère qu’il existait bien un lien de subordination juridique entre le club et le joueur dans la mesure où ce dernier :
- devait participer, sauf excuse valable, à toute les manifestations sportives prévues dans le calendrier du club ;
- était obligé de suivre les soins prodigués par le médecin du club ;
- devait soigner l’image du club en public, vis-à-vis des médias et des sponsors ;
- était tenu de jouer avec l’équipe réserve lorsqu’il n’est pas retenu en équipe première ;
- était contraint de porter les vêtements du club à chaque manifestation ;
- pouvait être sanctionné en cas de manquement à ses obligations.
Dans ces conditions, les juges ont retenu l’existence d’un contrat de travail liant le joueur au club. En conséquence, ils ont condamné le club à lui verser des dommages-intérêts pour rupture anticipée du contrat de travail, ainsi qu’un rappel de salaires en se basant sur la rémunération qu’il aurait dû percevoir en application du statut du joueur fédéral.
Tout sportif rémunéré accomplissant son activité dans un lien de subordination juridique à l’égard de son club doit donc être engagé dans le cadre d’un contrat de travail. Plus précisément, en application de l’article L.222-2-3 du code du sport, ce contrat de travail doit être un contrat de travail à durée déterminée « spécifique ».